Un pedigree, au théâtre de l’Atelier
On a plutôt l’habitude de le voir en chef de troupe, exubérant et virevoltant. Là, il est seul et dans un décor minimaliste, pendant près d’une heure trente, il ne dit pas, il VIT le texte de Patrick Modiano et il est magnifique, tout en finesse, en retenue, en silences qui en disent long. S’il n’avait pas cette voix si particulière, on oublierait qui il est. Pourtant, cette voix - que je trouvais jadis si exaspérante - colle si parfaitement aux mots qu’elle en devient hypnotique. J’aurais pu passer la nuit à l’écouter. Rien de drôle pourtant, malgré les quelques rires nerveux du début. Le style est neutre, factuel mais on sent la souffrance intérieure, les manques de tendresse, de paroles et de cette simple présence parentale qui permet à tout enfant de se construire. Comme l’humidité froide et insidieuse dont on ne sent la présence que lorsqu’il est trop tard pour y remédier, on est happé par cette narration où les réflexions profondes jaillissent entre deux anecdotes sans conséquences. Alors que l’auteur, en grandissant, finira par s’extirper d’une vie où il fut longtemps comme un pantin dont on tire les ficelles, le spectateur a l’impression se s’engluer dans le malaise qui se dégage du texte. Comment des parents peuvent-ils être si froids, si indifférents, si secs de cœur avec leur propre enfant? Pas de cruauté, rien de comparable à ce que l’on peut lire en ce moment dans la presse. Et pourtant on est glacé par la dureté des rares propos, des actes, des pensées qui les ont engendrés. Et on ne peut être qu’admiratif de la façon dont Edouard Baer met tout cela en valeur.
Aussi est-ce étonnant, une fois la pièce finie, lorsqu’il vient saluer, de voir soudain sa propre fragilité. Il a l’air gêné d’être seul en scène, il ouvre les bras, se tourne vers le bureau et la chaise – qui constituent l’essentiel du décor -comme s’il voulait partager les applaudissements avec eux. Il est nerveux, il triture les poches de sa veste, on sent qu’il aimerait y glisser les mains. Mais il se reprend, laisse ses bras pendre le long du corps, salue de nouveau, s’enfuit en courant vers la porte du fond.
Aussi est-ce étonnant, une fois la pièce finie, lorsqu’il vient saluer, de voir soudain sa propre fragilité. Il a l’air gêné d’être seul en scène, il ouvre les bras, se tourne vers le bureau et la chaise – qui constituent l’essentiel du décor -comme s’il voulait partager les applaudissements avec eux. Il est nerveux, il triture les poches de sa veste, on sent qu’il aimerait y glisser les mains. Mais il se reprend, laisse ses bras pendre le long du corps, salue de nouveau, s’enfuit en courant vers la porte du fond.
Pour finir sur une note plus légère, deux choses m’ont (légèrement ^^) perturbée pendant la soirée. Tout d’abord la taille des pieds d’Edouard (ils sont grands ;-p). On la remarque car lorsqu’il entre dans le noir – pas de lever de rideau – ce sont tout d’abord ces talons que l’on entend claquer. L’autre remarque est plus technique : il s’agit de la porte qui se trouve au fond de la scène. Quasiment fermée au début, elle s’ouvre progressivement jusqu’à être totalement béante à la fin de la pièce mais on ne s’en rend compte que tard tant cela se fait lentement. Je me suis donc demandé – et je me demande encore- en bonne mécanicienne, quel est le dispositif qui permet cet imperceptible mouvement des deux battants ^^ ;
Ecrit par Kch, le Vendredi 2 Mai 2008, 23:59 dans la rubrique "Blabla promotionnel".